Comprendre les lamas pour un meilleur élevage

                

  Lamas Elevage:  Du mélange des lamas mâles...

 

  Mélanger des animaux qui étaient auparavant séparés pose souvent problème.Avec les mâles le risque d'accident est encore plus grand de par leur force et  leur comportement qui les conduit à s'approprier un territoire et à le défendre contre tout nouvel arrivant.

Une des situations fréquentes en élevage est le sevrage d'un ou plusieurs jeunes mâles. L'idéal est d'avoir plusieurs animaux à sevrer ensemble.On peut leur réserver un parc pour eux uniquement, le plus loin possible de leurs mères, si possible hors de leur vue.Dans ce cas, les jeunes lamas avaient déjà formé un groupe habitué à jouer ensemble au sein du troupeau et la séparation en est beaucoup moins dure.

 Lorsque il n'y a qu'un seul jeune mâle à sevrer, c'est plus difficile; laisser un jeune animal tout seul dans un parc n’est pas satisfaisant  dans ce moment de grand stress provoqué par la rupture avec sa mère; il va faire l’impossible pour la retrouver au mépris du danger. D’autre part, à 6 mois, c’est une période où les animaux continuent d’apprendre la vie en groupe.

Ce jeune solitaire, on peut alors choisir de l’introduire dans un parc de mâles  beaucoup plus âgés.

J’ai procédé ainsi de nombreuses fois sans problème jusqu’au jour où un jeune mâle a été importuné par les adultes.

J’ai observé alors que la situation était devenu problématique ( chevauchements, poursuites ) à partir du moment où le jeune avait essayé de se dérober  au rituel des reniflements qui préside à toutes les présentations entre lamas de (bonne) compagnie.

J’ai pensé à ce moment là qu’il fallait mettre le jeune en situation de ne pas se dérober pour ne lui laisser que le choix d’accepter le contact sans rompre.

J’ai donc poussé tout ce joli monde bien agité vers le corral le plus proche ( 3mx3m )et je les ai enfermé ensemble une paire d’heures. Les choses sont rentrés alors dans l’ordre.

Ce jeune est ensuite resté 2 ans avec ses compagnons jusqu’à son départ de l’élevage.

Depuis, je procède toujours ainsi chaque fois que j’introduis un nouveau mâle dans un groupe.

Je les laisse assez de temps pour qu’ils fassent non seulement connaissance mais aussi qu’ils partagent ce moment privilégié  de grande tranquillité qu’est une petite séance  de rumination... Pas trop quand même pour qu’ils ne marquent pas le corral de leurs crottes!

Entre temps m’est revenu à l’esprit une visite que j’avais effectué dans  un troupeau important d’ovins. J’avais été étonné de voir  5 ou 6 béliers enfermés ensembles dans un petit corral, ruminant paisiblement, le regard dans le vague. Ayant souvent eu connaissance des combats violents, parfois mortels, qui opposent ces animaux j’ai demandé des renseignements au propriétaire qui m’a indiqué que ces adultes étaient de provenance diverse. 

Par ailleurs, récemment, j’ai pu voir à la télévision un vétérinaire enseignant, spécialiste du comportement animal, qui était confronté au cas de 2 chats mâles de 4 ans que les malheureux propriétaires tentaient de séparer au prix de nombreuses griffures. Devant les propriétaires médusés et les élèves ,un peu goguenards, les 2 matous, extraits chacun de leur propre cage de transport, se baladent dans la salle de consultation, indifférents  à l’autre.

Mais là où les propriétaires se sentirent vraiment mal c’est, quand, à la fin de la consultation, le professeur leur demanda de rentrer les 2 chats ensemble dans la même cage pour le retour. Résignés au pire, ils s’exécutèrent. Les chats,  serrés  l’un contre l’autre,  s’épargnèrent.

Cela m’a rappelé la tête que faisaient ceux qui m’ont vu charger un   lama mâle de 4 ans avec un autre de mes étalons du même âge, parfaits inconnus l’un pour l’autre l‘instant précédent, dans le même fourgon.

Marty Mac Gee, spécialiste reconnu dans la manipulation des lamas, a comparé avec bonheur les lamas aux chats  en ce qui concerne la contention; et c’est vrai que pour les deux espèces l’emploi de la force n’est pas du tout adapté à ce type d’animaux. La ressemblance va plus loin...

En effet, ces exemples de béliers et de chats m’ont permis de mieux comprendre ce qui se passe dans le corral ou le fourgon parce que béliers, chats et lamas sont, de la même façon, des animaux territoriaux. On aura donc toujours avantage à tenir compte de cette notion si importante de territoire quand on détient ce genre de mâles. Corral, cabinet de consultation , cage de transport ou fourgon  ne font pas partie du territoire et permettront des mélanges qui, dans d’autres lieus, pourraient se révéler explosifs.

L’important  n’est pas tant la recette que l’idée.

L’essentiel, c’est ,en effet, de ne pas perdre de vue que, si la domestication a pour but de sélectionner des animaux pour pouvoir les faire mieux cohabiter  ensemble dans un espace plus restreint que le milieu naturel, d’une part, et aussi sélectionner les animaux qui sont les plus faciles à manipuler par l’homme, il n’en reste pas moins qu’ un chien, par exemple, après 10000 ans de domestication, reproduira encore les comportements sociaux de son ancêtre le loup... et le lama ceux du guanaco.

De même qu’il a été nécessaire pour les spécialistes du comportement animal de connaître les moeurs du  loup pour comprendre mieux le comportement du chien, je crois que nous aussi nous pouvons utilement éclairer notre lanterne par la connaissance des moeurs de l’ancêtre patagon.

 

                                                                                                                                                                       André Richard

 

 

Lamas et Alpagas Magazine Automne 2003