Toute herbe n'est pas bonne à ingérer même pour des lamas

Lamas élevage: ....  A propos des causes favorisantes des intoxications végétales

 

Il se trouve qu'en l'espace de quelques jours il m' a été rapporté une forte suspicion, en l'absence d'autopsie, d'une intoxication par le cyprès(ingestion de fruits surtout) et d'une intoxication par le laurier-cerise confirmée celle-ci, par une autopsie ( cf article annie Laborde)

C'est une une idée très répandue que les animaux, par leur seul instinct, sauraient éviter les plantes toxiques. Il n'en est rien, du moins en ce qui concerne l'instinct, car la question est loin d'être aussi simple et à ce moment là, il ne devrait pas y avoir d'intoxications.

Mais alors, comment certains animaux peuvent- ils s'intoxiquer alors que les autres ne le sont pas.

Abordons la question en prenant le cas des herbivores en général tout simplement parce que  nous n'avons de données pratiquement que sur eux. Ensuite, essayons de voir quels enseignements en tirer pour nos petits camélidés. 

 

Tout d'abord il faut évidemment une plante toxique…

 Elles sont bien présentes en France. Rien que sur l'ouvrage de jean Bruneton :plantes toxiques, il en est dénombré une centaine, seulement à partir de données scientifiques recueillies essentiellement auprès des centres anti-poisons .

Fréquence

Plus la plante toxique sera abondante, plus augmentera la probabilité de l'intoxication .Il y a aussi des plantes que l'on trouve dans toutes les régions: mercuriale, chênes (glands),if, laurier-cerise, d'autres au contraires abondent dans certaines régions et sont presque totalement absentes dans d'autres:fougère-aigle et oenanthe safranée en Bretagne, redoul ou galéga dans le sud, aconits et vératres en montagne.

Goût

Plus la plante est amère, plus elle sera refusée par l'animal ce qui explique que des plantes à la fois très fréquentes et très toxiques ne peuvent donner que très peu d'intoxications( datura, ellébore, vératre, euphorbes). A cela il faut ajouter que l'on a remarqué que les  espèces animales peuvent être plus ou mois rebuté par l'amertume des plantes (galéga délaissé par les bovins et apprécié des ovins d'où intoxications plus rares chez les premiers).

Variation de toxicité

La plante peut être toxique par toutes ses parties ou différemment selon les organes:colchique, cytise, vératre sont toxiques par les feuilles, tiges, fleurs et racines. Pour des plantes comme l'aconit, l'oenanthe safranée ou la ciguë aquatique ce sont les tubercules qui renferment le plus de principe toxique.

Le stade végétatif intervient aussi:le sorgho est toxique au début de son développement seulement mais beaucoup de plantes sont au maximum de toxicité au moment de la floraison et de la fructification.

Conditions climatiques

Un été particulièrement sec va entraîner une raréfaction des plantes qui sont consommées par les animaux et les pousser vers d'autres, habituellement délaissées.

C'est par temps de sécheresse de fin d'été que peut survenir une intoxication très fréquente et parfois mortelle  avec les glands si à ce moment là des vents violents les font tomber en abondance alors qu'ils sont immatures. Les animaux ,en manque d'herbe, peuvent alors en faire une consommation excessive et, hélas, néfaste.

Interventions humaines

Les traitement phyto-sanitaires par les pesticides peuvent modifier le goût des plantes en masquant leur amertume et donc faciliter leur consommation. C'est le cas pour le colchique, les renoncules, la mercuriale.

La taille des haies peut également entraîner beaucoup de dégâts surtout évidemment si on a la très mauvaise idée de donner à consommer ce qui a été coupé. Mais le fait de laisser les animaux avoir accès aux végétaux toxiques même désséchés sur le sol peut être très dangereux car certains comme le buis, non seulement ne perdent pas leur toxicité, mais sont plus facilement consommés par terre que sur pied.

C'est ainsi, également, que le curage des ruisseaux peut avoir comme conséquence fâcheuse  la mise à nu des tubercules d'oenanthe safranée qui sont la partie toxique de la plante.

 

…il faut aussi un animal qui mange cette plante toxique…

 

Toutes les espèces ne sont pas également  réceptives à la toxicité

On cite le cas des lapins qui semblent bien supporter certaines distribution de ration renfermant de la petite cigüe alors qu'elle est très dangereuse pour les ruminants.

Les différences de toxicité pourraient s'expliquer par des différences de transformation des principes toxiques dans l'organisme selon les espèces. C'est ainsi que les polygastriques (ruminants)  sont plus sensibles que les monogastriques  (porc, cheval) à la toxicité des plantes cyanogénétiques ( sorgho,laurier-cerise…) à cause des micro-organismes du rumen et de la faible quantité d'acide chlorhydrique dans le rumen qui favorise la libération massive et brutale d'acide cyanhydrique extrêmement toxique.

Il faut également ne pas négliger un facteur comportemental comme la curiosité(ou autre chose) qui pousse certaines espèces comme la chèvre à ingérer toutes sortes de choses( y compris les feuilles de sérologie du vétérinaire pendant qu'il effectue les prises de sang !)

Tous les individus ne sont pas également sensibles à la toxicité

          Il semblerait que les jeunes sont plus sensibles: curiosité plus grande, moindre expérience par rapport aux plantes(expériences désagréables mais bénignes de goût, texture, odeur)

         Des individus peuvent avoir des comportements qui les distinguent des autres .Ce sont ceux, toujours les mêmes qui passent la tête à travers la clôture pour aller déguster ce qui se trouve de l'autre côté.

         Une pathologie peut amener l'animal à consommer des plantes qu'il ne consomme pas habituellement .C'est le cas des carences qui peuvent entraîner un trouble du comportement alimentaire (pica) dans lequel l'animal ingère de la terre, des petits cailloux, des écorces… et donc aussi des plantes de texture peu appétissante habituellement. C'est le cas aussi des troubles digestifs, en particulier, qui semblent prédisposer à l'ingestion plus importante de végétaux riches en lignine.

 

….Et les lamas et alpagas dans tout ça? Sont-ils plus à l'abri ou plus exposés?

 

Il est reconnu que les petits camélidés, en tant qu'espèces, sont des animaux curieux . Cette attention qu'ils portent à tout ce qui les entoure est perçue par leurs propriétaires comme faisant partie d'un ensemble de"qualités" qu'ils leur accordent sans retenue.

Il faut reconnaître aussi que ces animaux , que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord se retrouvent dans des environnements d'une variété très grande et peut être parfois déconcertante. On peut supposer qu'il existe, au fil des générations successives un certain apprentissage de la flore environnante, essentiellement en goûtant les plantes, ce qui a du mal à se réaliser dans ces conditions.  D'autre part, si , en ce qui concerne les animaux de rente les animaux sont le plus souvent sur des prairies temporaires dont on connaît bien la flore ce n'est pas le cas, le plus souvent aussi, de nos camélidés. Utilisé comme "débroussailleur"  l'animal peut être exposé à une malnutrition qualitative et quantitative et ingérer des plantes qu'il délaisserait si la ressource alimentaire était suffisante. En tant qu'animal de compagnie, il se retrouve, dans le meilleur des cas sur des prairies naturelles, qui peuvent être excellentes mais qui sont évidemment beaucoup plus riches en espèces végétales  dont on ignore parfois la toxicité éventuelle. Mais ces animaux, herbivores, peuvent aussi se retrouver dans un environnement pauvre en herbe mais, par contre ,surtout en milieu péri-urbain, riches en plantes de protection et/ou ornementales, constituées en haies ou pas, et qui présentent souvent des risques de toxicité( laurier-cerise,thuya, if…)

D'autre part, les petits camélidés et surtout le lama sont attirés par la végétation arbustive, riche en lignine, et ce n'est certes pas ce qui va les éloigner des haies potentiellement  dangereuses.

  Au delà de l'espèce, il est constaté que des individus ont des comportements alimentaires particuliers. J'ai constaté cela avec certains lamas qui passaient la tête à travers la clôture pour consommer du séneçon, plante toxique, qui avait poussé sur un chemin ouvert au bulldozer le long de cette clôture) De même, certains individus, non seulement, se distinguent en consommant une plante délaissée par les autres mais font preuve, à son égard, d'une attirance particulière qui pourrait faire penser à de la" toxicomanie".C'est le cas  avec le colchique. Pour les glands, si on ne peut pas dire qu'ils sont délaissés, certains animaux peuvent en consommer de grandes quantités pendant assez longtemps pour qu'il y ait apparition de symptômes.

Enfin, en ce qui concerne le facteur humain ,il faut bien reconnaître que, le plus souvent, l'apprentissage du propriétaire ou même de  l'éleveur de petits camélidés se fait de façon empirique. Ce qui implique, pour beaucoup, dont je fais partie, le passage par le stade de novice  et par des expériences certes instructives mais parfois douloureuses.

 

En conclusion, les petits camélidés, par leur curiosité exploratoire, leur goût pour les végétaux ligneux, leurs milieux environnants extrêmement variés et pas toujours adaptés , le manque d'expérience, souvent, de leurs nouveaux propriétaires, pourraient paraître relativement exposés à des risques d'intoxications par les végétaux. L'absence de statistiques sur les cas d'intoxications ne nous permet pas d'avoir une opinion définitive sur le sujet. Dans cette situation, la prévention de ce genre d'intoxication passe sans doute par une meilleure connaissance des animaux et de leurs besoins, d'une part, et du milieu végétal dans lequel nous les avons installés sans leur demander leur avis, d'autre part.

 

 

                                                                                                                  André Richard

 

 

Lamas et Alpagas Magazine Hiver 2007-08