les comportements sexuels des lamas sont des comportements individuels et non un comportement unique pour l'espèce.

  Lamas Elevage: Accouplement des lamas et interrogations.

 

Quand la saison des naissances arrive, je ne donnerai pas ma place pour un royaume.  Faire naître et élever est la chose la plus excitante qui soit au monde .Et pourtant c'est aussi la plus difficile:on pense évidemment aux risques de la mise-bas, aux nouveaux-nés qui ne tètent pas parce qu'ils sont trop faibles ou parce que leur mère n'a pas assez de lait, aux oreilles qui tombent, aux membres pas trop droits, ...etc...

Mais avant de connaître les joies de la naissance et parfois aussi les peines, il a fallu passer par l'étape de la conception. Là aussi, quand on débute on apprend qu'il peut y avoir jusqu'à 50% de résorption embryonnaire d'après des études faites sur l'altiplano mais les conditions d'élevage à 4500m et les ressources alimentaires ne sont pas comparables avec celles de nos animaux. En fait, en dehors de leur habitat d'origine, la reproduction fonctionne plutôt bien et le pourcentage de femelles vides pourrait se situer autour de 10%(1).C'est le cas aux Lamas des Granades puisque le taux y est de  8 % environ ( 9 femelles vides sur 109 présumées gestantes).

Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a jamais de soucis avec la fécondation des petits camélidés. En tout cas pour ma part, je ne suis pas à l'abri du  doute, et ce, depuis le départ, c'est à dire le moment de l'accouplement.

J'ai d'abord eu une courte expérience de saillie en liberté au pré alors que je n'avais qu'un seul étalon disponible. Expérience assez positive avec, il faut le souligner un étalon argentin de 12 ans habitué à gérer un cheptel de femelles faisant juste ce qu'il faut quand il faut, sans hâte et sans bruit. Seul problème, on ne peut pas toujours être là pour noter les saillies et on ne connaît pas, par conséquent, la date présumée de mise-bas. Egalement, j'ai pu constater un autre inconvénient. En effet, je me suis trouvé avec une femelle en train de mettre-bas, la tête et les antérieurs du  cria déjà sortis et mon étalon, excité plus que de coutume, chevauchant l'ensemble. 

Ensuite, j'ai eu rapidement d'autres étalons, dans un souci de sélection, et j'ai opté pour la"saillie en main",qui permet un contrôle rigoureux des saillies et donc la mise en place d'un véritable programme de reproduction.

Avec maintenant une dizaine d'années de recul, j'ai maintenant une idée un peu mieux formée sur cette pratique. Le fait de noter sur un petit carnet mes observations sur le comportement du mâle et de la femelle au cours de la saillie a certainement été utile. Cela permet surtout, pour une même femelle, de constater une différence dans son comportement vis à vis du mâle, d'une saillie à l'autre. Pareil pour le mâle vis à vis de la même femelle( ou des autres, d'ailleurs!)

accouplementDans le même temps, les connaissances sur les animaux qui résultent d'études scientifiques sont mises à la portée d'un large  public dans des livres accessibles ou même des documentaires télévisés. On sait maintenant que l'animal est intelligent, capable de stratégie, au delà  d'être sensible à la souffrance ou d'exprimer des émotions de peur ou de contentement. Ce changement dans notre perception de l'animal nous amène à une idée essentielle à mon avis: l'animal est un individu. Il est unique. Vouloir lui affecter un comportement qui serait celui du groupe dans lequel nous l'avons rangé, est considérablement réducteur et ne peut rendre compte de la réalité.

A partir de là, il me semble que l'on est plus à même de comprendre ce qui se passe dans un corral de saillie. En effet il s'agit d'interpréter les attitudes de la femelle et du mâle mis en présence par nos soins.

La question qui se pose, au bout du compte, quand on observe les 2 partenaires est de savoir, en fait, quelle part revient à leur état de réceptivité hormonale et quelle part à leur individualité ou "personnalité"( il ne s'agit pas ici de dire qu'un lama est un humain, ce qui ne serait pas plus vrai que l'inverse ni surtout qu'un cria est un bébé car on sait à quel désastre cela peut mener)

Les exemples ne manquent pas. En effet, j'ai pu constater , avec d'autres, qu'une femelle pouvait être saillie alors qu'elle était déjà gestante. Cela arrive quand le mâle s'impose par la force mais aussi, peut-être, quand la femelle, soit, est trop timide et se laisse impressionner par l'ardeur du mâle ou bien que la peur provoque chez elle le réflexe de se coucher, par exemple devant la porte par laquelle elle est entrée et contre laquelle elle bute, ce dont profite alors le mâle. Néanmoins, dans ces cas là, la saillie se passe moins sereinement le plus souvent, surtout au début, et on peut en tirer des conclusions utiles.

Que penser également des femelles qui refusent plus ou moins nettement mais qui se couchent contre un côté du corral, de telle façon que le mâle n'arrive plus à s'installer convenablement pour effectuer une intromission. Il faudra s'appuyer sur d'autres observations pour, là aussi faire la part des choses.

Inversement, une femelle vide peut refuser l'accouplement. Bien que les périodes de réceptivité sur les femelles vides soit nettement plus courtes que les périodes de réceptivité(2), une femelle vide peut se trouver dans une période de non réceptivité, même en suivant les préconisations de timing pour re-présenter au mâle une femelle qui vient de mettre -bas, par exemple;

 Mais on peut aussi avoir le cas d'une femelle au caractère bien trempé qui peut prendre le dessus sur un mâle un peu timide. Un de mes premiers mâles, bel argentin, mais qui n'avait pas un gabarit impressionnant, s'est retrouvé face à une de mes toutes premières femelles arrivées aux Granades, patronne du troupeau, qui n'a jamais voulu le voir s'approcher d'elle .Il avait d'ailleurs compris rapidement et ne voulait même plus rentrer dans le corral.mére et son cria

 

En ce qui concerne les mâles, leur premières expériences de reproducteur peuvent être décevantes pour l'éleveur. Il faut attendre parfois plusieurs présentations à des femelles pour que le mâle s'intéresse à elles. Il reste à déterminer chaque fois quelle est la part due à la personnalité de chacun dans cette non-rencontre. J'ai eu le cas d'un mâle qui s'est montré d'une indifférence (à la limite de l'impolitesse!)pour les 4 premières présentations, quelle que soit la femelle et qui s'est montré très ardent la cinquième fois sur une femelle déjà présentée, puis qui a maintenu sa libido à ce niveau par la suite.

Une autre première expérience sexuelle d 'un mâle m'est apparue plus déconcertante. A la vue de sa promise", certes elle aussi novice et très anxieuse, ce mâle, très doux d'ordinaire, s'est jeté sur elle non pour l 'honorer mais plutôt pour la chasser. Avec une autre femelle, ce mâle, cette fois ci, s'intéresse à elle au bout de quelques minutes et effectue sa première saillie convenablement. Confirmé ensuite comme un mâle ardent mais non agressif envers les femelles.

En lisant les différents ouvrages sur la reproduction des petit-camélidés, on constate  que ce sont des comportements qui y sont relatés fréquemment. Les études visant à établir une relation entre le comportement à la saillie, le statut ovarien et la réussite de la saillie n'ont pas réussi à ce jour à tirer des conclusions qui puissent permettre d'améliorer le taux de fécondation(3)

Cela doit il nous inquiéter ou, pire, nous décourager. Absolument pas, je dirai presque au contraire. C'est véritablement un challenge passionnant de comprendre le comportement des animaux et vouloir le réduire à des mécanismes hormonaux serait à la fois réducteur et contraire à la réalité du monde animal.

 

                                                                                                     André Richard

 

 (1)Jane Vaughan, Mating management of your llama herd.  Fernandez-Baca et al 1970, Adams et al 1991, Adams 1997

 

(2) B.Hafez Reproduction in Farm Animals, 2000

 

(3) JLVaughan,KL MacMillan, GAAnderson, MJD_Occhio 2003 Animal sciences and reproduction group, Central Queensland University, Rockhampton, Queensland, Veterinary Clinical Centre,department of Veterinary Science, University of Melbourne, Werribee, Victoria 3030