Lamas: Ma conduite de l'élevage de lamas
En fait je ne sais pas si le mot conduite convient parce que, en réalité, j'ai plus l'impression d' accompagner mes lamas que de les conduire. En exagérant un peu on pourrait presque dire que c'est eux qui conduisent! Je me contente de leur apporter ce que j'ai pu acquérir de connaissances par l'étude, l'observation et l'expérience pour qu'ils vivent et se reproduisent dans les meilleures conditions possibles.
Dès le départ si j'ai choisi d'élever des lamas, c'est, d'une part, pour leur beauté altière, leur passé d'animal symbole des civilisations andines, leur mode d'élevage encore traditionnel, extensif, en plein air , leur capacité d'animal de compagnie puisque manipulé depuis les Incas comme animal de bât, mais aussi, d'autre part, parce que j'ai pensé que c'est à ce genre d'animal, originaire d'un milieu aux ressources naturelles peu abondantes, que pourraient convenir mes terres de causses aveyronnais.
Ensuite, je n'ai pas tardé à comprendre que le mieux, pour bâtir mon élevage, c'était de prendre des lamas issus de fermes sud-américaines plutôt que de m'approvisionner en Europe avec des lamas qui, en fait, descendaient souvent à cette époque, de lamas de parcs zoologiques.
Ces lamas, j'ai vu comment ils étaient élevés en Argentine et je me suis efforcé de ne pas trop changer leur mode de vie.
Donc, ici aussi, c'est une vie en plein air. Mon expérience de vétérinaire praticien rural m'a appris que c'était, indiscutablement, le mode de vie le plus bénéfique pour la santé des animaux.
Mais cela peut aussi être le pire si on ne considère les lamas que comme des" débroussailleuses montées sur pattes" et laissées quasiment à l'abandon sur des parcelles éloignées sans surveillance sérieuse.
Pour ma part, tout au long de l'année, je passe 5 à 6 heures, parfois beaucoup plus, au milieu de mes lamas, quel que soit le temps. Pas plus que la leur, ma santé ne s'en ressent, bien au contraire!Mais surtout je suis là, toujours prêt à intervenir en cas de besoin.
Pour cela, j'ai construit un corral dans tous mes parcs( les lamas, à l'inverse d'autres espèces n'utilisent pas la force, des planches de palettes suffisent) . Ainsi mes lamas sont libres d'évoluer comme bon leur semble mais lorsque c'est nécessaire il ne me faut que quelques petites minutes pour les faire rentrer dans un corral et donc les avoir sous la main.
Donc liberté et possibilité d'exprimer leur vie sociale pour eux. Pour moi, possibilité d'attraper mes lamas très rapidement et sans effort.
Encore faut il, pour bien faire comprendre quelle est ma démarche, que le corral ne soit pas placé n'importe où dans le parc. Pour l'éleveur, l'emplacement qui lui demandera le moins d'effort, c'est tout près du portail d'entrée du parc. Il se trouve que, pour les lamas, c'est aussi ce portail d'entrée vers lequel ils reviendront tout naturellement même sans qu'on les appelle. (l'animal se souviendra toute sa vie qu'il est rentré par là).Donc, même s'il y a des raisons qui incitent à placer le corral ailleurs, il sera toujours plus facile de le mettre près de l'entrée parce que l'on respecte leur tendance naturelle. Il ne s'agit pas de leur apprendre à vivre comme nous l'entendons mais d'essayer par l'observation de comprendre comment ils vivent et de s'adapter. C'est de toute façon, au minimum, un gain de temps mais en fait, pour moi, c'est la seule solution.
Pour les lamas comme pour les autres herbivores il y a une saison des naissances à respecter. Dans l'hémisphère Nord, c'est le printemps, puisque c'est à cette saison que l'herbe se remet à pousser. C'est le cycle naturel. L'herbe est plus riche en vitamines que le foin ( au bout de 4 à 6 mois les vitamines ont disparu du foin à moins que ce ne soit dés le début s'il y a eu un mauvais fanage) Les mères, au printemps, ingérant une herbe riche en vitamines auront donc un colostrum et un lait plus riche en vitamines lui aussi (vitamines du groupe A surtout).Cette vitamine A est essentielle pour la croissance. Les rayons ultra-violets du soleil vont permettre la synthèse de la vitamine D par l'organisme des jeunes crias. Cette vitamine D est très importante car c'est elle qui permet la fixation du calcium et du phosphore apporté par l'alimentation. Les jeunes lamas en croissance très rapide ont donc besoin, beaucoup plus que les adultes, des vitamines de croissance que leur apporte l'herbe et des rayons du soleil pour fabriquer la vitamine D qui leur donnera des os solides. Des boiteries et des déformations osseuses ont été observés chez de jeunes lamas nés en hiver alors que ceux qui naissaient au soleil des beaux jours n'avaient pas ce problème.
Toujours dans cette même démarche, ces jeunes lamas nés avec l'herbe vitaminée et les rayons bénéfiques du soleil auront une meilleure croissance, des os plus solides et lorsque arriveront les premiers froids ce seront des animaux robustes proches de 6 mois d'âge, avec déjà une bonne couverture laineuse et tout à fait aptes à faire face aux températures hivernales, en tout cas dans ma région.
Pour obtenir ces naissances au printemps, comme dans la nature, je sépare mâles et femelles et ne les mets en présence pour la saillie que pendant les beaux jours puisque la durée de gestation est proche d'une année( 345-350 jours) chez le lama.
Je pratique la saillie en main parce qu'elle me permet de connaître le jour de la fécondation et donc, de mieux prévoir la date présumée de mise-bas. Avec plusieurs étalons, cela permet aussi une gestion plus rigoureuse de mon programme de sélection. Là aussi, l'observation ajoutée aux connaissances scientifiques sur la reproduction sont extrèmement utiles pour gérer la reproduction. L'observation minutieuse des comportements de la femelle et du mâle lors des accouplements et surtout les changements qu'il faut discerner dans ces comportement d'une saillie à l'autre, tout cela est déterminant pour une gestion réussie de la reproduction des lamas.
Pour les naissances je reste dans la même démarche: liberté de l'animal mais observation raisonnée. Liberté complète pour la mère de choisir l'emplacement où elle se sentira le mieux pour mettre bas .Elle n'est pas séparée, bien sûr, du reste de ses compagnes ce qui provoquerait un stress( par contre la parturiente va, la plupart du temps, se mettre un peu à l'écart du troupeau, mais pas trop, pour être plus tranquille).Pour moi, mes parcelles étant tout autour de la maison , passant beaucoup de temps au milieu de mes lamas, ayant une idée relativement précise de la date de mise-bas et connaissant bien les modifications anatomiques et comportementales de la mère, je peux assister à la mise-bas, si nécessaire intervenir à l'endroit où elle est , ou éventuellement, la rentrer très rapidement dans un corral.
Ajoutons qu'à l'élevage de Lamas des Granades, après une centaine de naissances il n'y a pas eu une seule naissance la nuit, ce qui n'est évidemment pas le fruit du hasard mais simplement la conséquence positive du mode d'élevage adopté ici. ( Pour plus de détails sur les naissances chez les lamas :voir la page: Les naissances à l'élevage de Lamas des Granades)
En ce qui concerne l'alimentation de mes lamas, c'est donc herbe et foin quand il n'y a plus d'herbe. Le foin est distribué à volonté, 2 fois par jour ( j'ai observé qu'ainsi la quantité absorbée est plus importante).Il est très important de savoir bien évaluer l'état d'embonpoint de ses lamas.Il faut pour cela palper les masses musculaires qui se trouvent de part et d'autre de la colonne vertébrale.On peut aussi toucher le poitrail et examiner l'épaisseur des cuisses vues de l'arrière.
A partir de cette estimation de l'état de mes lamas je peux faire une complémentatin individuelle, avec un aliment en granulés pour chevaux.C'est le cas par exemple pour une femelle ayant trop maigri pendant l'allaitement. Cette période de l'allaitement demande aux mères de puiser tellement dans leur ressources qu'il est souvent nécessaire à un moment ou à un autre de compléter leur alimentation.Un rationnement individuel dans des petits récipients est tout à fait possible, en tout cas dans mon élevage ( maximum 10 à 12 femelles à complémenter à la fois).
Les périodes de changement d'alimentation comme la mise à l'herbe au printemps sont des périodes à risque d'entérotoxémie.En plus des vaccins contre cette affection mortelle, il est nécessaire d'assurer une transition qui atténue la brutalité du changement entre l'alimentation d'hiver au foin et une herbe jeune de compositon très différente.Donc imaginer des stratégies qui feront que les lamas auront déjà ingéré du foin avant d'aller sur la parcelle en herbe et cela sur une semaine environ en augmentant tous les jours la durée d'ingestion de l'herbe.
Pour terminer, pour le moment, ce survol très rapide, il ne faut pas oublier d'évoquer ce qui peut être le problème le plus épineux dans l'élevage des lamas( mais aussi avec d'autres espèces) je veux parler ici du problème de certains mâles qui peuvent devenir agressifs pour l'homme.Ils ne respectent pas alors les distances convenables, collent plus ou moins à l'homme et, un jour, le bousculent.Ce comportement, chez ces mâles, semblent être induits par une imprégnation au tout début de leur jeune vie.Konrad Lorenz, le premier, avait montré comment de jeunes oies en étroit contact avec l'homme au détriment de leur propre mère le suivaient, lui et non leur mère.
Le cria ( c'est le nom des petits des lamas en amérique du sud) ne sont donc définitivement pas des"bébés" , sortes de peluches à bisous ou autres caresses certes tentantes mais parfaitement nuisibles.Plus tard, après le sevrage d'avec sa mère, il sera toujours temps dans des rapports de respect d'entretenir une véritable relation avec cet animal de compagie que sait être le lama.