Lamas élevage: La gestion des saillies en élevage
Savoir si on doit laisser le mâle dans le même parc que les femelles pour assurer la reproduction est une question que tout le monde s’est déjà posée. La réponse est à la portée de chacun mais la confrontation de nos expériences personnelles peut servir à tous. Voici la mienne.
En 1998 quand mes lamas sont arrivés d’Argentine( 12 femelles, un mâle adulte et 2 jeunes mâles) je n’avais pas une grande expérience de la reproduction des petits camélidés. Aussi c’est à Picoblanco, un fier étalon d’une dizaine d’années qui officiait déjà dans la pampa que j’ai confié la direction des opérations.
A cet effet je l’ai installé dans le même parc que les 12 femelles. Par dessus le marché, ne possédant pas de renseignements vraiment fiables sur la gravidité des femelles, je lui confiai le soin des diagnostics de gestation!
Ma seule inquiétude résidait dans la crainte que mon étalon ne s’épuise à servir tout ce monde. Ce ne fut pas le cas. En fait, Picoblanco se tenait à distance et ne se mêlait à elles que pour détecter une femelle réceptive.
Disposant d’un maximum de temps d’observation, j’ai vraisemblablement assisté à la plupart des saillies. Il en est ressorti que la gestion de Picoblanco était bien celle d’un reproducteur expérimenté: programme journalier léger mais persistance sur la durée.
Au résultat (naissances) il s’est avéré que 7 femelles étaient déjà gravides au départ d’Argentine et sur les 5 autres, 4 donnèrent naissance à un produit de Picoblanco.
Le seul incident dans cette formule de saillie en liberté est arrivé le 24 11 98.Ce jour là alors que je revenais de chercher du foin à l’extérieur, je vis Picoblanco cabré sur une femelle que je savais gestante de par la rondeur de son abdomen.
En fait Carlotta était en pleine mise-bas, les 2 antérieurs et le bout du museau du petit déjà apparents à la vulve. Et les 160 kg de Picoblanco sur son dos!
Situation inconfortable et dangereuse résolue par l’expulsion immédiate et temporaire du mâle.
Trop temporaire d’ailleurs puisque 4 jours plus tard il saillissait à nouveau Carlotta.
Après cette première saison de saillie en liberté j’optais pour la saillie “en main” que je pratique encore à ce jour.
En pratique, je dispose, depuis la saison de saillie 2000 de 3 étalons en activité. La saillie se fait dans un petit enclos attenant à un corral situé dans le parc du mâle.
J’enferme d’abord le mâle dans le corral, ensuite je fait pénétrer la femelle dans l’enclos par une porte située à l’opposé ( pour ne pas avoir le mâle en travers du passage) et j’ouvre une porte de communication entre le corral et l’enclos. J’assiste à la saillie ou au refus ( très important: avec l’expérience on s’aperçoit q’il peut y avoir des fausses saillies et de faux refus )
Eventuellement, j’aide le mâle indirectement en écartant sur le côté la queue de la femelle( quoique je ne suis pas certain que le mâle ne s’en serve pas comme guide; mais certaines femelles ont beaucoup de laine)
Aider un jeune mâle maladroit et impatient directement en saisissant sa verge pour faciliter l’intromission me parait beaucoup plus hasardeux. Il déviera son bassin du bon axe vers le côté où l’on intervient et on sabote ainsi son apprentissage. A ne réserver qu’aux cas limites( par ex. jeunes femelles sans expérience et peu coopérantes décourageant le mâle)
Pour les présentations au mâle c’est la physiologie ovarienne qui me sert de base pour leur fréquence (cf la page précédente: Saillie et ovulation)
La femelle lama est ainsi présentée au mâle quand on pense qu'elle est réceptive pour une première saillie.( J 0)
Je la représente au mâle 7 jours plus tard( J 7 ). Si la femelle accepte le mâle pour une deuxième saillie c'est qu'il n'y a pas de progestérone, donc pas de CJ, donc il n'y a pas eu ovulation puisque nous venons de voir ci-dessus que le CJ ne se forme que si la femelle a ovulé.
Si elle a ovulé je sais qu'il s'est formé un CJ et que à 7 jours il sécrète de la progestérone qui est l'hormone du refus. La femelle va donc refuser le mâle…
…elle sera présentée alors à J 14. Si elle accepte la saillie, il n'y a pas eu fécondation puisque le CJ serait alors resté en place pour secréter la progestérone nécessaire à la gestation.
Si la femelle refuse, c'est donc qu'il y a présence de progestérone secrété par le CJ formé après l'ovulation et qui s'est maintenu au delà de 11jours pour assurer le maintien de la gestation.
La femelle est donc probablement gestante. Il est toutefois prudent de la représenter encore 2 fois à 14 jours d'intervalle pour une vérification de son refus.
On peut avec l’expérience se passer des diagnostics sanguins et confirmer la gestation par un refus à une ou plusieurs présentations supplémentaires. Les dosages de progestérone sont toutefois nécessaires en cas de vente de femelle pour qu’elle soit déclarée “ constatée gestante” et lorsque il y a doute sur les refus.
Pour ma part cette deuxième méthode a ma préférence sur la saillie en liberté:outre le fait qu’avec elle mes femelles sont pleines, j’y vois plusieurs avantages:
connaître précisément le jour de la saillie et donc du terme.
éviter qu’un étalon ne saillisse une femelle pendant la mise-bas ou trop précocement ensuite.
éviter les risques de blessure ou d’infection au cours de saillies répétées au pré.
éviter le risque de saillie de femelles trop jeunes ou sur des femelles déjà pleines ce qui peut arriver.
vérifier l’état sanitaire génital apparent des partenaires.
éviter les risques de consanguinité quand on garde les filles des différents étalons.